Cet article revient sur les “343 fraudeuses” demandant la légalisation de la PMA pour toutes les femmes. Deux question implicites sont posées : celle du droit des femmes à avoir des enfants sans père et celle de la prise en charge financière de la PMA par l’Etat…

 

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Le manifeste pour la PMA (Procréation Médicalement Assistée) donne l’occasion de revenir sur le rôle de l’Etat dans les décisions d’avoir des enfants.  En partant de la question des femmes seules et des lesbiennes souhaitant recourir à la PMA pour avoir un enfant, deux question sont posées :

  •  A quelles conditions, faire un enfant sans père est-il légitime ?
  • La PMA ayant un coût, à quelle hauteur l’Etat doit-il la prendre en charge .

 

 A quelles conditions, faire un enfant sans père est-il légitime ?

 

La demande d’accès à toutes de la PMA implique que la société reconnaisse comme légitime un projet parental sans père. Elle implique aussi une déconnexion de la sexualité et de la procréation, mais ce point semble ne pas poser de débat (la contraception étant largement acceptée et la PMA des couples hétérosexuels aussi). La question du projet parental sans père est bien la question polémique comme on l’a vu lors du débat sur le mariage pour tous (la “manif pour tous” revendiquant un droit à “un papa et une maman”). Dans la pratique, une femme peut aujourd’hui devenir mère sans qu’il n’y ait de père (il suffit que le géniteur n’en soit pas informé), mais cela expose à des risques légaux et sanitaires (un homme soupçonnant une paternité peut réclamer la reconnaissance de ses droits parentaux, un acte sexuel fécondant implique un risque de MST).  Le passage par des intermédiaires “anonymisateurs” et “stérilisateurs”, supprime ces risques mais nécessite l’accord de l’Etat.

La société est alors amenée à se prononcer, et ce faisant, non seulement sur le droit à toutes d’accéder à la PMA mais sur les conditions mêmes de la parentalité, car il y aurait une certaine hypocrisie à refuser un moyen sûr de maternité alors même qu’on l’accepte s’il conduit à des risques sanitaires pour la mère et crée de l’incertitude sur le sort juridique de l’enfant.

Dans un précédent article, j’expliquais l’intérêt de l’anthropologie pour distinguer ce qui est naturel de ce qui est culturel. Sur la parentalité, l’étude des sociétés passées et éloignées montre la grande variété possible des forme de parenté :

un papa et plusieurs mamans (sociétés polygames dans le cas où les enfants sont élevés en commun, cas fréquent en Afrique de l’ouest), une maman et plusieurs papas (ethnies du Tibet et de l’Himalaya où les frères partagent la paternité), une maman qui jour un rôle de “papa” (Albanie lorsque des familles sont décimées par des vendettas entre clans, cas similaire au Cameroun)… Finalement, on note deux constantes “naturelles” dans les  sociétés :

  • l’existence de mécanisme assurantiels protégeant les enfants contre le risque de perte d’un parent : même dans les sociétés sans père (cas d’ethnies aux confins Sud-ouest de la Chine), des tiers assurant une fonction de support parental jouent un rôle clef.
  • la nature bi-genrée des sociétés : les enfants grandissent dans des sociétés où un genre leur est assigné (parfois de façon réversible) et où ce genre n’est pas le seul qu’ils rencontrent (il n y a pas de sociétés exclusivement masculines ou féminines).

Les seules “préconisations” de la nature semblent être d’assurer à l’enfant assez de soutient parental et de s’assurer que l’éducation permette à l’enfant d’avoir une identité et des repères sexués (alors que la technique permettrait des sociétés purement féminines et sans doutes demain, purement masculines). Ce dernier point renvoie à une certain élargissement de l’éducation au-delà des parents et un évitement de dérive sectaires de communautés homosexuelles.

Sur le premier point (existence de mécanismes assurantiels), dans une société marquée par une forte solidarité institutionnalisée par l’Etat, l’Etat a un droit de regard  sur les comportements entraînant sa solidarité (au risque d’encourager des comportements mettant en danger la viabilité du système de solidarité). Au regard du niveau de développement de pays tels que la France et des valeurs de liberté et de justice qui y prévalent, 3 conditions paraissent devoir être assurées lorsque des individus décident d’avoir des enfants :

– des conditions matérielles (financières et humaines).
– des conditions de transparence sur les origines.
– des conditions d’équité au sein de la fratrie.

 

=> Des conditions matérielles : certains biologistes ont avancé que dans l’espèce humaine, le couple se justifie par la difficulté de la mère d’assumer seule la charge d’un enfant tant le nourrisson humain nécessitait une grande attention.  D’autres, partant du même constat, y ont vu la cause évolutionniste de la ménopause (la ménopause pousserait les grands-mères  à consacrer leur énergie à l’éducation des petits-enfants plutôt que de se disperser sur leurs propres enfants). Fondamentalement, la question est secondaire dans le contexte de sociétés où la charge des enfants peut-être largement externalisée (recours à des aides salarié(e)s, recours à des crèches, des Assitant(e)s maternel(le)s etc…). Le recours à ces ressources externes a toutefois un coût. D’autre part, si un parent décède ou a de graves problèmes de santé, il faut veiller à ce que l’impact sur l’ épanouissement de l’enfant soit limité. Autrement dit, si quelqu’un souhaite devenir parent, il devrait se poser la question des ressources matérielles et humaines dont il disposera pour ‘occuper de son enfant. Une femme seule est sur ce point moins bien dotée qu’un couple, hétérosexuel ou homosexuel. L’Etat devrait ici assurer un certain contrôle des ressources des candidats à la parenté. Aussi, le contrôle des ressources fait pour l’adoption devrait être aussi fait pour la PMA et… pour les procréations “naturelles”.

 => des conditions de transparence sur les origines : La France est l’un des rares pays (avec le Luxembourg) a autoriser l’accouchement sous X (accouchement totalement anonyme). La dernière loi de bioéthique a commencer à creuser des brèches dans ce dispositif. Certaines associations ont pointé du doigt qu’il contrevenait aux droits aux origines des enfants, droit dont la légitimité tend à peser de plus en plus auprès des juges et des législateurs. Puisque de toutes façons, (hors manipulation du noyau cellulaire, pas encore au point), la nature fait de chaque enfant, l’héritier génétique d’un homme et d’une femme, et que la société distingue bien une parenté de lien d’une filiation génétique, une acceptation de la parentalité par PMA devrait être conditionnée à un don de sperme non anonyme (même s’il y a inter médiation institutionnelle qui protège les droits des “parents éleveurs”).

=>  des conditions d’équité au sein de la fratrie : la parenté à lignage unique pose un problème de possible iniquité au sein de la fratrie. Qu’un enfant n’ait qu’un seul parent alors que d’autres en ont deux fait partie des nombreuses inégalités avec lesquelles chacun vit et que les politiques tentent de réguler. Dans la mesure où l’Etat contrôlerait les ressources des parents, les enfants “mono lignage” ne seraient pas systématiquement plus pauvres que les autres. Mais, l’inégalité au sein d’une fratrie pose un problème qui nécessite plus que la seule intervention de l’Etat. Que se passe-t-il quand dans une famille, l’un des enfants n’a qu’un parent et l’autre deux ? Au-delà de l’écart de soutien affectif, il y aura aussi un écart dans la transmission patrimoniale. Le parent doit alors s’assurer d’un minimum d’équité en donnant plus à celui dont ‘il est le seul parent.

Voilà ce qu’il en est des condition de la légitimité de la parenté sans père. Reste qu’en pratique la demande des associations renvoie aussi à une égalité de traitement des couples stériles et des femmes “sans homme” pour accéder à la PMA. Il y a ici une question bien distincte…..(traitée dans la page suivante).

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