Jared Diamond est bio-géographe et pourtant il a changé pour beaucoup de gens la vision de l’Histoire.

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Des sciences de la Nature à  l’Histoire

 

L’Histoire qu’on enseigne encore aujourd’hui du primaire au lycée est largement une histoire politique : une histoire des frontières, des guerres et des lois. Ce primat du politique est sans doutes une base nécessaire pour une compréhension pratique du monde où grandit l’enfant appelé à devenir citoyen. Pour les historiens, cette approche a été depuis longtemps contestée et leur focus porte depuis la fin du 19ème siècle sur une histoire des faits sociaux (conditions de vie, démographie, opinions…). En France, cette tendance a été impulsée par l’Ecole des Annales. Dans les pays anglo-saxons, même si l’Ecole des annales a été critiquée, l’extension du champs de l’étude historique a été aussi très marquée en portant sur différentes domaines d’évolutions des sociétés humaines : rapports entre hommes et femmes, histoire des minorités et des colonisations, histoire des technologies…. Cette grande tendance qui décentre l’Histoire des événements politiques conduit à relativiser l’influence des décisions des hommes politiques sur le cours de l’Histoire : par exemple, la fin de la ségrégation aux Etats-Unis dans les années 1960 devient la conséquences d’un changement de mentalités des américains, changement lui-même du à l’accroissement de la mixité géographique et à l’évolution de l’instruction tant celle des blancs que des noirs.

Jared Diamond est allé encore plus loin : là où les historiens reliaient le politique au social, lui va relier le politique à l’écologie. La thèse de Diamond peut se résumer ainsi : l’écosystème d’un lieu avec ses ressources et sa proximité géographique avec d’autres écosystèmes influence largement les évolutions politiques des sociétés. Si des gens venus d’Europe ont conquis l’Amérique et non l’inverse c’est parce que l’Europe avait une configuration géographique qui encourageait la concurrence entre états (et donc l’innovation) tout en bénéficiant du vaste espace d’échange technologique et biologique eurasien. L’Amérique en revanche, marqué par un axe Nord-Sud avait une configuration géographique peu propice à la diffusion de ressources agricoles et de technologies car il y avait trop de discontinuités entre les écosystèmes semblables favorables à l’homme (alors qu’une plante ou un animal “développé” en Chine pouvait être utilisé dans le nord de l’ Inde, en Asie Centrale, au Moyen-Orient et dans le bassin méditerranéen).

Jared Diamond relie ainsi la Préhistoire à l’Histoire, la Géographie à l’Histoire.  Son travail sort aussi l’Europe du centre de l’Histoire, dans son ouvrage le plus populaire (en bibliographie de ce billet, Guns, Germs and Steel), il raconte l’expansion des populations austronésiennes à partir du sud de la Chine, la sinisation de la Chine ou encore la “bantoufication” de l’Afrique subsaharienne.  A chaque fois, on voit le rôle des plantes et des techniques agricoles qui permettent à une population de mieux exploiter un environnement et de s’y implanter au détriment d’autres groupes. On voit aussi comment la géographie détermine les modes d’organisation sociale et les normes culturelles prédominantes. Ainsi, Les Maori en Nouvelle Zélande et les Moriori sur les îles Chatham sont deux populations proches séparées au 15ème siècle. Les Maori développèrent une culture hiérarchique tandis que dans un archipel plus petit et plus hostile, les Moriori s’adaptèrent par une organisation plus coopérative et égalitaire.

Ainsi, se dessine un changement radical de la façon d’envisager l’Histoire. D’une succession d’événements, de luttes et de frontières, l’Histoire s’enracine dans une problématique d’adaptation permanente des sociétés humaines à un écosystème qu’elles modifient elles-mêmes. Cette approche a été approfondie par ce qu’on appelle la “Métahistoire” et la “Big History” (expression de David Christian). Krakauer et al. (2011) expliquent que la Métahistoire vise à compléter l’histoire du monde en incluant les approches traditionnelles basées sur l’écrit (l’Histoire) et les approches qui entendent aller au-delà des traces écrites et des traces humains. La Métahistoire permet alors d’intégrer l’Histoire de l’Humanité dans un récit plus étendu et large racontant l’Histoire du vivant sur Terre. Ce récit peut-même s’intégrer au lois de la thermodynamique et à l’Histoire de l’univers (voir la présentation TED de D. Christian).

 

Cette naturalisation de l’Histoire pose des questions sur notre compréhension du passé et sur l’usage de l’Histoire…

2 pensées sur “Jared Diamond : une Histoire naturalisée et démoralisée?”

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